Par Danielle Ollu
Né dans les années 80, le Street Art ou « art urbain » propose la vision d’un art graphique ou plastique libre, accessible, populaire, engagé dont la rue est à la fois l’atelier et le musée. Ce mouvement artistique regroupe un large panel de procédés : peintures, gravures, graffitis et autres dessins artistiques apposés dans un milieu urbain loin des lieux conventionnels et des musées. Notre sémillant et toujours jeune ministre de la culture de l’époque (1981/93), Jack Lang, en faisait la promotion au nom de la liberté d’expression, « vertu cardinale » de tous ceux qui avaient érigé en dogme les idées de mai 68. Devenu aussi populaire que critiqué, le Street Art a nécessité rapidement une réglementation pour éviter la dégradation de biens publics ou privés tandis que certains esprits malicieux, qui ne l’appréciaient guère, citaient volontiers ce titre provocateur et impertinent de Jacques Prévert « Je vous salis ma rue», poème dans lequel l’auteur n’évoquait pourtant qu’un papier jeté à terre et confié aux éboueurs. Le plus célèbre des pionniers du Street Art est né à Nantes en 1957. Débutant avec des pochoirs dans les années 80, Jef Aérosol, connu pour sa flèche rouge et ses portraits de personnalités comme Elvis Presley ou Serge Gainsbourg, fait en effet partie des tout premiers, en France, à adopter cette nouvelle forme artistique. Ses œuvres sont aujourd’hui exposées dans les plus grands musées du monde et côtoient celles de Basquiat, Keith Haring, Blade, Lady Pink, Bansky… A Nantes, dès 2006, la ville a autorisé le Street Art avec le Plan graff puis avec les Murs Libres et organise régulièrement des évènements pour assurer la promotion d’un art qui se porte bien. Ce mouvement officiel et reconnu ne doit pas occulter un phénomène qui conduit certains individus avides d’exister à s’approprier les espaces urbains au nom d’une prétendue liberté d’expression mais au mépris de tout respect du bien public ou de la propriété privée. Leur mode d’expression, les tags, relève du vandalisme. Ce sont des incivilités qui constituent, pour tous, des agressions qui peuvent vite devenir intolérables et dont les auteurs doivent être punis comme le prévoit l’article 322-1 du code pénal*. La ville de Nantes a préféré le laxisme et n’a hélas pas fait le choix de faire appliquer ces sanctions. Le laisser-faire et l’impunité des tagueurs s’exposent ainsi à la vue de tous, habitants ou touristes, parfois pendant de longs mois. De nombreux feux de circulation portent encore les stigmates de la réforme des retraites de 2023 avec le 60 écrit sur le feu vert, le 62 sur l’orange et le 64 sur le rouge. Difficile, voire impossible, de faire l’inventaire des devantures fermées et des clôtures de chantiers devenues panneaux d’affichages sauvages, des vitrines et façades des commerces, établissements bancaires, bâtiments publics dégradées dans le centre-ville en particulier lors des manifestations tandis que trop souvent des propriétaires assistent impuissants à la détérioration de leur bien. Ironie du sort, cette politique laxiste de la ville a conduit à l’abandon du passage Baco, inauguré par Johanna Rolland en 2014 et présenté, alors, comme un lieu artistique d’avant-garde et un modèle d’accessibilité pour tous. Le 18 avril 2024, Le Figaro titrait « Embelli il y a tout juste 10 ans, ce passage souterrain du centre-ville est redevenu un boyau glauque ». Interrogés à ce sujet, nos élus, par la voix de Sophie Van Gothem, ont dénoncé l’état de délabrement du passage qui empeste, sert d’abri aux consommateurs de stupéfiants et où la fresque de Wide du collectif nantais 100 Pression commandée par la municipalité a été remplacée par une jungle surchargée de
tags et d’affiches sauvages.
Dans ce contexte, les Nantais expriment régulièrement leur exaspération et leur ras-le-bol. En réponse, la ville de Nantes recommande de signaler les tags dans la rubrique « Voie publique » de l’application « Nantes Métropole dans ma poche » pour qu’ils soient nettoyés gratuitement dès lors qu'ils sont accessibles depuis l'espace public et situés à moins de 3 mètres de hauteur ; un service minimum, donc, car dans tous les autres cas, il incombe aux propriétaires de faire procéder, à leurs frais, au nettoyage qui peut être problématique selon la nature des surfaces et des difficultés d’accès. Rappelons qu’il faut agir et vite car le tag attire le tag et faute de réactivité, les actes de vandalisme se multiplient. Ce service assuré par la ville n’est pas satisfaisant et de plus coute très cher à la collectivité et donc à nos impôts. Le 28 novembre 2023, une vidéo de la Ville de Nantes intitulée : « Embarquez avec l’équipe d’enlèvement des graffitis » faisait état d’un budget annuel d’environ 2 millions d’euros. L’impunité, c’est donc la double peine pour les Nantais qui subissent et paient la note.
Sans politique efficace, l’avenir n’est pas rose car les tags constituent un fléau du quotidien dont la violence au fil des ans ne peut qu’inquiéter. L’augmentation significative du nombre de tags injurieux, politiques, haineux, anti- forces de l’ordre et plus récemment antisémites exige des réponses fortes de la part des pouvoirs publics et de la justice. Pour un tag antisémite sur les murs du campus universitaire qui a fait l’objet le 26 mars 2024 d’un signalement du Préfet de région au Procureur de la République combien d’autres tags restés à la vue de tous dans l’indifférence comme les tags ACAB qui parsèment notre ville.
La responsabilité revient à la municipalité qui serait bien avisée d’adopter les 4 propositions de Mieux Vivre à Nantes pour lutter contre ce fléau :
- Dépôt de plainte systématique contre les tagueurs narcissiques qui saccagent des rues voire des quartiers entiers, une fermeté qui fait ses preuves à Paris.
- Création d’un guichet dédié à la Maison de la Tranquillité pour recenser les signalements et faciliter les dépôts de plaintes communes de particuliers et entreprises.
- Nettoiement des tags à plus de 3 mètres de hauteur pris en charge.
- Mise à l’amende des organisations et organismes adeptes de l’affichage sauvage donc illégal. Plus globalement, le laxisme, la permissivité et l’indulgence conduisent à la généralisation des dysfonctionnements sociaux. La gestion des tags ne peut être dissociée d’un programme plus vaste de propreté et de lutte contre les incivilités. Dans ce domaine il n’y a pas de fatalisme il n’y a que la volonté de faire. Notre ville est belle. Elle le sera d’autant plus si nous nous mobilisons pour préserver notre patrimoine commun. Vivre dans une ville propre et vivre sereinement pour vivre mieux ! C’est un des objectifs de Mieux Vivre à Nantes. #nantes2026!
Annexe : Article 322-1 du code pénal modifié par la loi N°2023-22 du 24 janvier 2023 article 25 :La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende sauf s’il en est résulté qu’un dommage léger. Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3 750 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général lorsqu'il
n'en est résulté qu'un dommage léger.
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