Ce n’est pas une nouvelle version du célèbre western de 1966, mais le titre d’un médiocre scénario qui narre le parcours chaotique et « stupéfiant » d’un élu Nantais qui siège depuis 2020 à l’Assemblée Nationale.
Tout a commencé à Paris le 17 octobre 2024, lorsque le député LFI Andy Kerbrat, 34 ans, est pris en flagrant délit d’achat, auprès d’un mineur récidiviste, de 3MMC, une drogue de synthèse festive utilisée notamment pour le chemsex. On apprend également que pour financer ses dépenses personnelles, sur la seule année 2023, le député a fait des avances sur son compte AFM (frais de mandat) pour un montant total de 25 000 euros (Canard Enchaîné 23 mai 2023), ce qui a conduit la Présidente de l’Assemblée Nationale à saisir le déontologue afin qu’il procède sans délai à un contrôle avant, le cas échéant, de saisir la justice.
La surprenante réponse du député et le paradoxe
Andy Kerbrat a aussitôt reconnu les faits et présenté ses « excuses » à ses électeurs. Faisant le choix de la posture victimaire, il confesse des « addictions », alcool, drogue, et promet de se soigner pour reprendre son activité parlementaire. L’homme n’est pas à un paradoxe près. A Nantes où il a été réélu dès le 1er tour dans la 2ème circonscription en juin 2024, le député Kerbrat, comme 150 élus de Loire Atlantique, avait demandé, la veille de son interpellation, la démission du sénateur Joël Guerriau, soupçonné d’avoir tenté de droguer, à son insu, la députée Sandrine Josso. Ambivalence, dualité de personnalité ? La démission s’applique aux autres.
Les réactions politiques
L’affaire Kerbrat devient une affaire nationale qui donne lieu à des controverses politiques. Sans surprise Sandrine Rousseau (Les Écologistes) dont les prises de positions sont toujours étonnantes, voit dans cette affaire l’échec de la politique sur le trafic de drogue et adresse au député Kerbrat un soutien « affectueux » tandis que Jean-Luc Mélenchon (LFI) l’assure de son « soutien très amical » dans la lutte contre « l’addiction ». Au contraire, beaucoup d’autres voix se font entendre pour dénoncer l’attitude du député. Bruno Retailleau, Ministre de l’Intérieur, l’invite à prendre ses responsabilités jugeant intolérable qu’un député achète des drogues à un dealer de rue « alors que le narco banditisme s’installe en France ». Il est vrai que cette affaire arrive dans un contexte de tension dans de nombreuses villes où le marché de la drogue explose occasionnant des règlements de compte souvent meurtriers et où vivre dans certains quartiers est devenu extrêmement difficile et anxiogène.
A Nantes, face au silence assourdissant de Johanna Rolland, les élus du centre et de la droite s’unissent dans un communiqué pour réclamer la démission immédiate du député invoquant le devoir d’exemplarité que tout élu se doit de respecter (Presse Océan 23.10.24). Le mouvement Mieux Vivre à Nantes lance une pétition qui recueille en quelques heures plus de 1200 signatures et Laurence Garnier rappelle que : « Consommer de la drogue ce n’est pas seulement détruire sa santé c’est également nourrir des réseaux criminels ». Ces appels seront-ils entendus du député et de ses « amis » ?
2 mois après, qu’en est-il ?
La vie continue son long fleuve tranquille comme si rien ne s’était passé. Circulez braves gens, il n’y a rien à voir ! La décence voudrait sa démission mais il est vrai que sur le plan du droit rien n’oblige un député à mettre fin à ses fonctions même en cas de condamnation. Andy Kerbrat est donc toujours député ; il a signé la proposition de loi de LFI visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme (23.11.2024) et voté la motion de censure du gouvernement de Michel Barnier. Son parti, LFI, si prompt à demander la démission de quiconque n’est pas de son camp ne le sanctionnera pas et lui-même n’aura pas le courage de le faire.
Lors du dernier conseil municipal du 6 décembre, les élus de la droite et du centre ont tous dénoncé avec force l’absence de réaction de Johanna Roland sur le cas Andy Kerbrat lui demandant de réagir publiquement. Ainsi Julien Bainvel a interpellé la Maire de Nantes: « Si le député avait été un opposant, vous auriez appelé à sa démission. Vos indignations sont à géométrie variable et votre silence honteux…. vous vous couchez devant les outrances, les excès, les exagérations de l’extrême gauche pour essayer de préserver de petits accords électoraux … j’ai honte pour vous ». Acculée, la Maire de Nantes obligée bien malgré elle de sortir du silence qu’elle observait depuis les faits, a répondu mais en n’évoquant que les avances sur frais (AFM) : « Les faits évoqués sont graves, le déontologue de l’Assemblée a été saisi. Si les faits rapportés par les médias à ce stade sont avérés alors le député Andy Kerbrat devra prendre ses responsabilités ». Ainsi va la vie politique ! Tartuffe réincarné, Molière reste d’actualité !
Cette affaire est un cas d’école en 3 dimensions : éthique personnelle, duplicité de l’élu et responsabilité politique. Les Français las de la politique politicienne et très critiques à l’égard de leurs élus sont en droit d’exiger que ceux-ci respectent le mandat qui leur a été confié et prennent leur responsabilité. Cette affaire contribuera malheureusement à alimenter la défiance légitime envers les élus et constitue une entorse fâcheuse dans le fonctionnement de notre démocratie, qui pour être représentative, implique que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants.
Par Danielle Ollu
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